Thursday, October 4, 2007

Béatrice Machet

Passionnée de danse, Béatrice Machet a pourtant d'abord flirté avec le monde de la B.D., de la S.F. (grâce à l'élan donné par le mouvement Français de la S.F. "politique", très préoccupée des régimes totalitaires et de l'environnement). Sa rencontre avec Jean-Hugues MALINEAU déterminera son choix définitif pour la poésie.

Présente dans diverses anthologies, dont une anthologie albanaise de poésie contemporaine Fran- çaise (avec vingt autres femmes - année 2000). Publie dans une dizaine de revues poétiques et entretient une correspondance avec une dizaine d'auteurs Indiens contemporains d'Amérique du Nord, qu'elle traduit et fait publier. A exposé poèmes et dessins avec Catherine Garcia d'où ont découlé des échanges avec l'Ecole de Flamenco DUENDE de Marseille (ses textes relatifs à la danse ont été exposés et travaillés dans les ateliers de danse et de théâtre, 1992). Des travaux entrepris autour de la peinture d'Henri Baviera devraient aboutir à une édition d'art. A participé, avec le compositeur Jacques Dudon, à une lecture-performance dans le cadre du festival des MANCA de Nice (1996). Avec le concep- teur bruitiste Alain Michon, intervention à Draguignan sur le thème des poètes Indiens d'Amérique du Nord. (Egalement lectures et conférences à ce sujet, voir aussi les dossiers dans PARTERRE VER- BAL, QUIMPER EST POESIE, PLACE AUX SENS).

Participe à l'opération Trente poètes dans trente collèges du Var, La poésie a un visage (ville de
Grasse); rencontre des élèves (tous niveaux) dans leurs classes pour des ateliers d'écriture, des lec- tures.

oeuvres:

- DIRE : Ed. Clapàs avec une présentation de Patrick Joquel, 1998.
- TUNKASHILA UNSHIMALA YE (imprégnation peau-rouge) : Clapàs 99.
- J. : Ed. L'Amourier, 99.
- EYE-LINER : Ed. Clapàs avec une Postface d'Armand Olivennes, 1999.
- DYPTIQUE : Ed. Clapàs avec un Avant -Propos d'Alain Jégou, 2000.
- DE QUOI S'ETONNER ENCORE DE VIVRE : Ed. Encres Vives, 2000.
- LES CAHIERS de L'Amourier : aspects de la poésie contemporaine des Indiens
d'Amérique du Nord, L'Amourier, 2001.
- DEDICACE : Ed. La Porte, 2001.

En projet :

- PASSAGE AU MERIDIEN : Ed. IHV, Septembre 2002.

Traductions:

- HUMORS AND/OR NOT SO HUMOROUS (Humours plus ou moins comiques) du poète
Mohawk Maurice Kenny aux éditions WIGWAM, 2001.
- NO BORDERS (Aucune frontière) du poète Abenaki Joseph Bruchac : Editions VOIX,
automne 2001.

***

Repose moi dit-elle
la page
alors je te laisserai deviner le bonheur plein
du tissage
l'accroc toujours réparable
la légèreté
le volume souple
le malléable
le déformable
dans la rigueur de l'entrelac
le lâcher-prise et l'ascension
le vol en altitude
l'extension de toutes les dimensions
Construire est isoler :
mesure
comptage
un lent épelage
Tisser pour relier la dé-mesure
Ainsi le commencement de l'écrit
dans les réseaux du silence
où le souffle s'engage
et dépouille des mortes-peaux
tandis que maille à maille
le scintillement
de la pupille au poignet va et
danse son assouvissement

Tê(x)tes contre tê(x)tes
Deviner l'ossature
la structure
la charpente
le solide où s'inscrit le fragile du cristal

mais textes après textes
deviner l'élan
la chorégraphie aérienne
du vertige

Fi des articulations
la fluidité dans toute sa plénitude
d'être
l'espace
c'est-à-dire une conscience
c'est-à-dire la magie vivante
d'une respiration infinie
qui ne connaît pas les cloisons alvéolaires

Fi des frontières
le oui circule
gourmand
puissant
renversant

ah la jubilation paisible
d'avoir rejoint
sur le trajet des mots
l'unité primordiale
où se confondre
avec l'avant-goût de la naissance
sur le chemin de la bouche à la main.

***

Sur la rive enténébrée
les bulles viennent crever
en rêves aériens

dans les flots vifs
au fil des courants
les tourbillons de la mémoire
et leurs conséquences potentielles : l'éboulis
d'où extirper la félicité

et puis l'aisance tout soudain
dans le délié de la parole
exempte de la volonté de penser
toute à sa marche
toute à sa danse
toute à son chant

***

Dans les tourbières
la torchère des songes fait perler sueurs et larmes mêlées

incendies illusoires
gestes détachés
gazéifiés
à sonder d'une soif qui ne dévasterait
pas même l'ivresse
dont le murmure ne doit pas rabattre l'envolée au sortir de l'oreille

***

Des lettres, des mots, des nuées d'insectes
griffes, hiéroglyphes,
hachures statufiées
ferrailles barbelées
braises et laves refroidies
écorchures croûteuses ou sanglantes
d'où suintent toutes les encres
paresseuses ou débondées
silhouettes fines ou épaisses
les ondes du langage écrit
séchées un temps sur le papier

pour se diluer dans les flots de la conscience
dans les eaux mères de l'espace
pour aborder d'autres rivages

***

prose ou conte ?
Une nuit il a plu

tellement que les poissons, les grenouilles, les écrevisses sont sortis du lit des
rivières éveillées, ont rejoint les poissons d'eau salée, pour se retrouver dans
les yeux ensommeillés. De-ci de-là ils ont véhiculé les images des grands saules,
des peupliers, des aulnes, des îles exotiques, des banquises, des fosses sous-
marines. De-ci de-là en zigzaguant pour éviter les filets, les rideaux aux fenêtres,
le piège des oreillers à plumes. Car il ne faudrait pas que les écailles finissent
sous les têtes.

De-ci de-là se regroupant dans un défilé aquatique ils ont réclamé des branchies
et des ouïes pour tout le monde, se sont insurgés contre les propos racistes tels :
"oeil de merlan frit", ou encore : "plat comme une limande"

Enfin c'est vrai quoi, ça suffit !

Une nuit il a plu

et n'allez pas croire que de telles inondations arrivent exclusivement dans les rêves.